Ce n’est pas parce qu’on est habitués à quelque chose que c’est une bonne chose. La pollution par exemple. Bof. Mais aussi le scrutin à deux tours : ça fait vraiment partie de nos gènes et pourtant c’est profondément antidémocratique. En effet on a un amalgame entre la notion de majorité, valable pour les votes ne comportant qu’un seul objet, et la notion de vainqueur, valable pour les votes comportant plusieurs objets. Les objets pouvant être des résolutions, des lois ou des candidats. Je m’explique.
Quand il s’agit de prendre une résolution, on peut avoir, selon l’importance de l’enjeu , diverses majorités requises : majorité relative, absolue, des trois quarts, ou même unanimité. Dans ce cas il n’y a, bien sûr, qu’un seul objet de vote. Pour donner une image, on ne vote pas deux lois en même temps, on les vote une par une. C’est comme ça que fonctionnent les copropriétés, les collectivités ou les conseils d’administration. Dans ce cas-là on peut être amenés à recommencer le vote autant de fois que nécessaire, jusqu’à ce que la majorité requise soit obtenue…. ou remanier l’objet.
Quand il s’agit au contraire d’une question à choix multiples, on prend l’avis de tous les gens concernés, on additionne ce que chaque choix a recueilli et on regarde celui qui a recueilli le plus de voix. C’est le cas où il y a plusieurs solutions, plusieurs choix possibles. Il n’y a alors aucune notion de majorité, mais seulement un classement, et c’est le choix qui a le plus de voix qui l’emporte. En fait dans ce cas-là le résultat est le classement des choix en fonction des voix qu’ils ont obtenues et c’est donc un vote qu’on ne peut pas recommencer. C’est comme ça que fonctionnent les sondages d’opinion, les concours ou les appels d’offres.
Bien, bien, mais alors quelle méthode adopter pour élire quelqu’un à une fonction. Je parle, ici, d’élections présidentielle ou législatives. Clairement il ne s’agit pas d’un vote pour un unique candidat, qui correspond plutôt à un genre de dictature. C’est donc bien une question à choix multiples. Et donc on doit seulement faire un classement entre les candidats et déclarer vainqueur celui qui a le meilleur score.
Ce n’est pourtant pas ce qui se passe chez nous. Il semble que pour ce genre d’élection la notion de vainqueur et celle de majorité aient été mélangées. Prenons l’élection présidentielle : il est clair que le candidat qui obtient directement le plus de voix est le vainqueur d’une manière claire et sans contestation. Pour donner une illustration : dans une course, le gagnant est celui qui arrive premier, même si tous les temps sont dans un mouchoir de poche. On ne fait pas recourir les deux premiers pour savoir si le résultat changerait. Ou tout au moins on attend la prochaine compétition.
Pourquoi n’est-ce pas le cas dans nos institutions ? Bonne question une fois de plus.
Il me semble que la réponse tourne autour de deux comportements de la classe politique : le besoin d’hégémonie et le refus de dialogue.
Pour l’élection présidentielle, il est clair que les politiques ont peur que quelqu’un l’emporte avec par exemple 23 % ou même moins de 20 % des suffrages exprimés. Ca ne fait pas beaucoup pour décider de la guerre ou valider le TAFTA. Alors ils ont dit on va faire un nouveau vote en n’en gardant que deux, comme ça y en aura forcément un qui aura plus 50 %. Et pourtant le vainqueur n’a toujours pour lui que son premier score, car toutes ses autres voix sont des votes contre et non des votes pour, sinon il les aurait recueillis au premier tour. C’est donc une entourloupe car on pose aux électeurs deux questions successives différentes. Et voilà comment on se retrouve en poligarchie et plus en démocratie.
Pour les législatives on a le même problème d’hégémonie avec non pas les deux premiers, mais l’élimination d’un maximum de candidats avec un seuil à franchir. Qui plus est, les députés composent une assemblée et sont censés travailler ensemble. Houlà, houlà, mais c’est que c’est contraire à nos principes ça de travailler ensemble. Nous on veut faire nos petites affaires et nos petites lois tranquillement sans discuter avec personne. Manquerait plus que ça.
Seulement, messieurs les politiques, les élections sont exactement faites pour ça : mettre ensemble des gens ayant des avis différents pour, c’est moi qui souffle la réponse hélas, trouver la meilleure solution pour les électeurs, pour les citoyens. Mais ça c’est au dessus de leurs forces, ils ont depuis longtemps perdu l’habitude des discussions, des compromis, de l’intérêt général.
Conclusion : en attendant mieux, le vote à un seul tour tant pour le président que pour les députés est, pour moi, un élément clé du retour à la démocratie.
Michel Costadau
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